Accélération des marchés sur fond de politique économique encourageante

05 juin 2020

BCE | Frankfurt

Une accélération des marchés

Un nouvel équilibre de facteurs a permis aux marchés de progresser rapidement depuis trois semaines :

  • Une amplification des mesures de soutien des gouvernements (un nouveau plan de soutien de 1000 milliards d’euros au Japon, un nouveau plan de 750 milliards d’euros de la Commission européenne) ;
  • Des banques centrales qui surprennent positivement les marchés par une extension de leur programme d’achats d’actifs plus importante qu’attendu ; ceci a contribué à piéger ainsi les investisseurs qui avaient des positions short, forcés de les déboucler et d’alimenter l’accélération du marché ;
  • Un déconfinement qui ne laisse pour le moment pas présager de deuxième vague et de reprise de mesures de confinement généralisé que certains craignaient, tandis que les données d’activité à haute fréquence et les chiffres de l’emploi US commencent à montrer un redémarrage de l’économie sur les points bas du mois d’avril ;
  • Une stabilisation du cadre global des actions sur les plans fondamentaux (révisions bénéficiaires) et sur le plan marchés (volatilité, indicateurs techniques et indicateurs de sentiment) ;
  • Une poursuite de l’amélioration des conditions de liquidité de marché.
 

Ceci explique que les actions européennes ont fini par sortir de la zone de consolidation dans laquelle elles étaient enfermées depuis début avril jusqu’au 20 mai. C’est comme si l’incertitude politique avait jusqu’alors constitué un frein à la normalisation des valorisations des actions européennes, à la différence des actions américaines qui avaient continué de progresser tout au long des mois d’avril et de mai.

Depuis le 15 mai, l’Eurostoxx 50 a en effet progressé d’environ 20 %, passant de 2 770 à 3 330 points (5 juin à 10h30), surperformant les actions américaines au cours des trois dernières semaines.

Ceci est d’autant plus paradoxal que simultanément, sur le plan fondamental, la saison de résultats a été l’occasion d’une forte correction des attentes de résultat pour l’ensemble de l’année 2020, qui s’établissent désormais à -20 % sur les actions américaines et -28 % sur les actions européennes. Mais il convient de rappeler que la dégradation des attentes de résultats s’est surtout opérée entre début avril et mi-mai et que depuis lors, les données se stabilisent.

 

Un soutien fort de la politique économique en Europe

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé hier une extension de 600 milliards d’euros de son programme d’achats d’actifs PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme):

  • La durée du programme est prolongée jusqu’à mi 2021 a minima, avec un réinvestissement des maturités a minima jusqu’à mi 2022 ce qui offre une réelle visibilité et un filet de sécurité sur les spreads souverains pendant encore plusieurs trimestres, ce qui est très favorable aux périphériques ;
  • Le programme APP quant à lui voit son rythme maintenu à 20 milliards d’euros par mois, sans date de fin prédéfinie, la BCE indiquant qu’il serait maintenu aussi longtemps que jugé nécessaire pour accompagner l’effet accommodant de la politique de taux d’intérêts ; les maturités seront réinvesties pendant une période de temps prolongée au-delà des remontées de taux futures de la BCE (taux qui seront maintenus à leurs niveaux actuels tant que l’inflation restera inférieure à la cible) ;
  • La BCE en a profité pour abaisser à la marge sa prévision d’inflation à 0,8 % en 2021 et 1,3 % en 2022 signalant ainsi la pérennisation de son action accommodante, la cible d’inflation officielle étant encore hors d’atteinte ;
  • Christine Lagarde a profité de la séance de questions / réponses pour passer quelques messages forts concernant la justification du programme d’achats actuel.
 

Ces annonces ont eu pour effet de faire monter l’euro au-delà de 1.13 contre le dollar, de comprimer le rendement de la dette italienne à 10 ans de près de 20 points de base tout en permettant une poursuite du rebond des marchés actions sur cette fin de semaine.

La Commission européenne a quant à elle récemment proposé un plan ambitieux de 750 milliards d’euros sur la base du projet franco-allemand, qui a eu pour effet de soutenir l’euro à détendre les spreads périphériques et de permettre une accélération du marché actions. La capacité du Sommet européen de mi-juin à valider ce plan laisse encore un peu d’incertitude mais le changement de posture de l’Allemagne sur la question des transferts financiers et le financement communautaire de ce plan est un élément décisif et novateur, pouvant convaincre les pays dits « frugaux » d’Europe du Nord.

 

Une baisse du niveau de risque perçu

L’action conjointe de la BCE et le projet de la Commission européenne réduisent le risque politique en zone euro et ont permis à l’euro de remonter face au dollar, mouvement que la réduction du spread transatlantique laissait présager. Les prochaines semaines restent toutefois décisives, car il s’agit de préparer le Sommet du 18/19 juin prochain et de convaincre les États Membres hostiles aux mécanismes de solidarité budgétaire.

Au niveau des marchés actions, une forme de stabilisation du paysage se met en place :

  1. Le niveau de révisions bénéficiaires est en train de se stabiliser… en attendant les résultats du T2 ;
  2. Les indicateurs de marché sont revenus en zone neutre à positive (indicateur Bull/Bear notamment) ;
  3. La volatilité a continué de se réduire, passant de plus de 80 à moins de 30 aujourd’hui ;
  4. Les flux renvoient un signal mitigé : peu de flux long only, peu de collecte OPCVM
  5. Une rotation sectorielle au bénéfice des actions de style value et des valeurs cycliques ; cette rotation a été permise à la fois par une baisse du risque politique / souverain en zone, par le déconfinement réussi à ce stade et par une remontée des prix de l’énergie dans ce contexte de déconfinement.
 

Par ailleurs, le stress sur les émergents est en train de se réduire, en Asie comme en Amérique latine aidé en cela par la remontée du pétrole, la baisse des tensions politiques au Brésil. La remontée des devises émergentes permet à court terme de réduire le risque de spirale négative chute de la devise / choc macroéconomique supplémentaire. Pour autant, le risque sur les notations reste présent comme en atteste l’abaissement de la notation de l’Inde en début de semaine, un cran seulement au-dessus des notation high yield.

Enfin, le niveau de stress de liquidité observé en mars a quasiment disparu aux États-Unis comme en atteste le niveau d’écart entre le LIBOR 3M et les Fed Funds ; ceci semble refléter autant une moindre recherche de liquidités de la part des investisseurs que l’ampleur du soutien en liquidité apporté par la Fed.

 

Perspectives pour les marchés

À court terme cette tendance positive peut se poursuivre en juin, remettant en cause le scenario en W :

  1. Une poursuite de la compression de la volatilité qui devrait conduire à une poursuite de la repondération action ;
  2. Un résultat positif sur le prochain sommet européen peut alimenter une poursuite des flux en Europe ;
  3. Un déconfinement qui devrait permettre une amélioration des données d’activité sur juin ;
  4. Un niveau de liquidités dans les portefeuilles qui reste élevé chez beaucoup d’investisseurs ;
  5. Une sphère value qui reste encore décotée malgré le rebond récent ;
 

Cette tendance reste aussi favorable pour l’euro à court terme ; il sera intéressant d’observer si le niveau de 1.1495 contre le dollar atteint le 9 mars dernier sera franchi, mais il est bien possible que la tendance baissière dans laquelle l’euro s’était engagé depuis février 2018 soit désormais terminée.

 

Dans les facteurs qui peuvent inciter à la modération ou du moins à ne pas renforcer agressivement les positions actions dans cet environnement :

  1. Les valorisations sont revenues à des niveaux élevées notamment aux États-Unis (price/earnings ratio de 22x), alors que les attentes de résultats sur 2021 nous semblent trop élevées et les résultats du 2e trimestre peuvent occasionner une forme de retour à la réalité d’une reprise encore très progressive ;
  2. Le risque politique baisse en Europe mais augmente aux États-Unis et les tensions géopolitiques avec la Chine pourraient s’amplifier d’ici les prochaines élections ;
  3. Les indicateurs techniques pourraient bientôt jouer un rôle de résistance, après la clôture de nombreux gaps et le retour des indices sur les moyennes mobiles, et avec un retracement désormais important de la correction et certains indicateurs qui sont déjà revenus en territoire d’europhorie (RSI et ratios put/call notamment) ;
  4. Historiquement les rotations sectorielles sans fondamentaux significatifs peuvent être de faible durée ;
  5. Une progression trop rapide de l’euro pourrait jouer un rôle de frein sur l’appréciation des actions européennes.
 

En résumé, les mois de mai et de juin sont ceux du retour de la politique économique ambitieuse (thème de notre prochain Global Outlook) et du déconfinement; espérons que l’été ne sera pas celui du retour du risque politique.

 

Information importante

05 juin 2020

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