Interview de Stéphanie Tallois, Responsable de la Direction Juridique à Monaco

13 novembre 2020

Stéphanie Tallois | mixité | Indosuez

Présentez votre métier et la représentation de celui-ci au sein de l'organisation. Quels sont les grands temps forts de votre métier sur l’année ?

Juriste de formation (Droit des affaires/ droit International) et diplômée de l’IAE (Institut d’Administration des Entreprises), je suis Responsable de la Direction Juridique de CFM Indosuez Wealth Management en Principauté de Monaco. Allier l’enjeu stratégique de la conformité juridique et notre rôle de « Business Partner » résume bien le défi que comporte notre mission générale.

S’il y a beaucoup de femmes juristes, c’est un métier mixte. On constate néanmoins une présence féminine moins importante dans le top management : « plafond de verre » ou réminiscence culturelle ? C’est un métier technique qui requiert agilité et réactivité : les missions récurrentes et l’accompagnement des évolutions législatives, organisationnelles ou « Business » se juxtaposent aux tâches quotidiennes tant au niveau de l’Entité, de ses filiales que du Métier. La dimension pluridisciplinaire de ce métier est indéniable.

C’est donc un rythme de travail très soutenu sans véritable temps mort qui nécessite organisation et outils appropriés… Je suis passionnée par mon métier.

 

Quel est votre parcours professionnel ? Comment avez-vous géré les différentes évolutions de votre carrière ?

J’ai choisi un parcours résolument international tant au niveau des activités que des entreprises que j’ai rejointes, et dans un secteur considéré culturellement et même historiquement comme masculin.

J’ai débuté dans un établissement bancaire anglo-saxon, puis souhaité diversifier et consolider mon expérience en choisissant le métier de conseil juridique, d’abord au sein d’un cabinet de taille humaine où j’ai repris l’activité de conseil spécialisé en droit bancaire et financier. Lorsque l’un des « Big five » de l’époque m’a proposé de le rejoindre, cette proposition était une véritable reconnaissance de mon investissement et répondait pleinement à mes aspirations. J’ai pris des responsabilités croissantes jusqu’à assumer celle du secteur Banques-Finances et à créer une activité de niche « Yachting ». 

Quand l’opportunité de rejoindre le groupe Crédit Agricole m’a été présentée environ dix ans plus tard – c’est d’ailleurs une femme qui m’a cooptée – je l’ai saisie avec cette envie de travailler dans un Groupe de référence et d’accompagner au quotidien l’activité de sa filiale Indosuez Wealth Management à Monaco. C’était il y a douze ans et depuis je ne me suis jamais ennuyée !  

Je dirais que mon parcours est engagé, fruit d’opportunités saisies consciemment et d’un investissement professionnel constant.

 

En quoi être femme était un atout ou un handicap dans votre carrière ? Comment gérez-vous vie personnelle et professionnelle ?

Le fait d’être une femme a toujours été professionnellement neutre pour moi : je ne me suis rien interdit de ce fait. En revanche, j’ai toujours eu conscience des caractéristiques du milieu professionnel dans lequel j’évoluais. Or, celui de la banque/finance était hier, plus qu’aujourd’hui et moins que demain sans doute, connu pour être très masculin ; davantage d’ailleurs dans les cultures latine ou française que dans les cultures anglo-saxonnes.

Mon choix de carrière a bien sûr impliqué volonté et résilience : j’ai constaté au cours de mon parcours qu’il était souvent nécessaire, parce que j’étais une femme, de prouver plus encore ma technicité et mes compétences afin de pouvoir avancer et briser les clichés.

Comme chacun d’entre nous et quel que soit notre genre, l’exercice d’un métier est un choix qui implique des concessions, parfois plus importantes, mais pas nécessairement des renonciations. La recherche d’équilibre est surtout une histoire collective de famille, de couple et de culture favorable de l’entreprise au sein de laquelle vous évoluez, hommes ou femmes… Je n’ai renoncé ni à être femme, ni mère et mon travail doit participer aussi à mon épanouissement. Il faut nécessairement faire siennes les notions d’adaptabilité et de pragmatisme voire de créativité pour tendre vers une gestion optimisée de cet équilibre.

 

Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’entreprise en matière de mixité ? Concrètement, quelles initiatives prenez-vous au quotidien, avec vos équipes, pour avancer sur le sujet de la mixité ?

Les toutes nouvelles générations actives tendent à se détacher de ces marqueurs liés au genre, on le constate aujourd’hui en observant nos équipes et en échangeant avec elles. L’action de l’entreprise en faveur de la mixité reste cependant nécessaire. La mixité doit être considérée comme un atout : elle permet une complémentarité d’approches au même titre que les compétences ou caractéristiques de chacun.

Le groupe Crédit Agricole s’est engagé en faveur de la mixité, propose des parcours de management et de formation visant à favoriser les parcours professionnels des femmes. J’ai ainsi pu noter la nomination d’une femme manager en congé maternité. Plus nous avançons dans le temps, et plus l’action de l’entreprise permettra de partager cette culture de manière intergénérationnelle tant auprès d’un public masculin que féminin.

Les formations existantes en matière de leadership féminin sont encore toutes à ce jour très axées sur les méthodes visant à permettre aux femmes d’évoluer dans un environnement de management masculin. La mixité n’est néanmoins pas qu'une affaire de genres… Mon N+1 est une femme, première représentante féminine membre du Comex de notre entité : elle a également une vision très moderne et contemporaine, valorise davantage les compétences que le genre ; son partage d’expérience est intéressant.

J’échange aussi régulièrement avec les membres de mon équipe, tant féminins que masculins, sur la mixité. Tous s’accordent sur la complémentarité des genres. La gestion de la vie de famille reste encore une difficulté pour les femmes confrontées à la gestion de leur carrière : c’est pourquoi nous devons les accompagner dans l’entreprise.

Les collaborateurs sont également soucieux de trouver le bon équilibre dans la démarche mixité : la promotion des femmes ne doit pas être perçue comme l’expression d’un quota dont le défaut est sanctionné par la loi, mais comme une reconnaissance des compétences !

S’il reste du chemin à parcourir, il est important de partager, d’avancer a minima avec son temps et d’anticiper.

 

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes générations ?

Je leur conseille de ne rien s’interdire et d’élargir leur champ des possibles ! Leur parcours professionnel, la gestion de leur carrière et leur vie personnelle dans toutes ses dimensions sont interactifs et complémentaires.

Restez curieux et ouverts, cultivez votre savoir-faire et votre savoir-être, exprimez vos aspirations, apprenez à identifier les opportunités et à être prêts à les saisir, apprenez à faire des concessions sans renoncer à votre équilibre, ne craignez pas le changement et faites-en une évolution.

13 novembre 2020

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