RCEP : Création de la plus grosse zone de libre-échange au monde

30 novembre 2020

Asie

Exceptées les perspectives de vaccination contre la COVID-19, quel autre sujet pourrait marquer à ce point l’actualité en cette période ? Aucun, car partout dans le monde la reprise économique en dépend..., sauf peut-être celle de la région Asie-Pacifique qui, jusqu'à présent, a réussi à préserver sa relance économique grâce à un contrôle rigoureux pour réduire et prévenir la propagation de la pandémie. La région a récemment signé un partenariat économique régional global (RCEP, Regional Comprehensive Economic Partnership) d'une durée de 8 ans couvrant près d'un tiers de l'économie mondiale.

 

Le bloc commercial du RCEP inclut 10 pays de l'ASEAN, ainsi que la Corée du Sud, la Chine, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L'exclusion notable des États-Unis s’est conjuguée à l'inclusion remarquée de la Chine. C'est en effet la première fois que cette dernière signe un pacte commercial multilatéral régional.

L’accord prévoit principalement :

  • Une réduction immédiate des droits de douane à l'importation sur environ 65% des biens échangés au sein du bloc, qui devrait passer à 90% d’ici 20 ans.
  • Un cadre commun de règles d'origine (RdO) nouvellement établi, qui définit officiellement la provenance d'un produit. 
  • Des dispositions sur la propriété intellectuelle, les télécommunications, les services financiers, le commerce électronique et les services professionnels.

 

Pourquoi est-ce important ?

Tout d’abord, il s'agit d'une étape politique importante, surtout à l'heure où le protectionnisme progresse partout dans le monde, où le commerce mondial est encouragé et où l'Asie renforce sa cohésion régionale. 

Deuxièmement, le RCEP permettra de rationaliser les accords commerciaux existants qui se multiplient. L'impact économique direct ne devrait pas être massif. Euler Hermes estime que le tarif moyen des pays de l'ASEAN sur les importations des partenaires du RCEP est déjà passé de 4,9% en 2005 à 1,8% à ce jour.

L'impact le plus important sur les membres du RCEP concerne en fait la réduction des obstacles non tarifaires. En harmonisant les exigences en matière d'information et les normes locales pour que les entreprises puissent bénéficier des conditions préférentielles de l'accord, le RCEP stabilise l'environnement du commerce et réduit les coûts inhérents. 

Par conséquent, cet accord renforcera l'intégration commerciale régionale et incitera les entreprises locales à rechercher des fournisseurs dans la région. Les investissements directs étrangers dans le secteur manufacturier des pays de l'ASEAN en provenance du Japon, de la Corée du Sud et de Taïwan ont augmenté en raison notamment de la hausse du coût de la main-d'œuvre en Chine. Ce phénomène devrait se poursuivre alimenté par la crise des investissements de la Chine qui, depuis cinq ans, vise clairement à accroître le PIB par habitant et la demande intérieure. Enfin, avec l'augmentation des investissements manufacturiers dans l'ASEAN, d'autres pays asiatiques pourraient se diversifier en s'éloignant de ce que le think tank bruxellois Bruegel appelle « une chaîne de valeur excessivement centrée sur la Chine ».

L'Institut Peterson prévoit que le nouvel accord pourrait ajouter 0,2% de croissance au PIB des économies de ses États membres. Toutefois, il faudra sans doute du temps avant qu'un pays n’en perçoive les avantages, car neuf nations membres doivent encore le ratifier avant qu'il n’entre en vigueur. La plateforme pourrait également évoluer, car certains membres tels que l'Inde, qui s'est retirée l'année dernière, pourraient être réintégrés à l'avenir.

 

Qu’en est-il du reste du monde ?

Pour le reste du monde, l'accord présente un avantage concurrentiel accru à long terme pour la région Asie-Pacifique. Pour des exportateurs tels que l'Inde et les États-Unis, dont les échanges vers ces 15 pays ont une importance stratégique, représentant plus de 20% de leurs exportations (voir graphique), cet accord pourrait être désavantageux sur le plan commercial.

Inversement, du point de vue des importateurs, les entreprises étrangères pourraient bénéficier de prix plus bas et d'installations de production régionales plus faciles à approvisionner.

 

Quel est l'impact sur les investisseurs ?

Le RCEP n’impacte pas la croissance en Asie, mais il augmente l'attrait général de la région. En abaissant les obstacles tarifaires et non tarifaires, l'accord signifie une efficacité accrue et un potentiel de croissance à long terme pour une région qui a déjà une longueur d'avance dans le processus de relance actuel.

 

% des exportations totales vers les pays membres du RCEP (2019)

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Sources: COMTRADE, ITC Trademap, Indosuez Wealth Management

30 novembre 2020

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